Ce qui est certain, c'est qu’il croit en la justice ; pas n’importe quelle justice ceci dit, et certainement pas celle des Spetsnaz. Non, il croit en une justice qui s’obtient de ses propres mains… ou du bout des doigts, dans son cas.
Alors, qu’est-il ? Et bien, Lev est avant tout quelqu’un de déterminé. Ses études, il les mène de front avec un travail de livreur à mi-temps, car sa mère est incapable de les financer seule ; il ne lui en tiendra jamais rigueur, et n’obtient pas de moins bons résultats pour autant. Discret et en retrait, il est aussi ce garçon dont les camarades n’auront presque rien retenu, pas même le prénom. Pas très sociable, encore moins bavard, il est très peu entouré, et ses rares amis ne sont pas des potes de facs. Ce sont des gens comme lui, qui n'abondent dans aucun sens particulier, et ne suivent que leur propre instinct.
De l'instinct, alors.
C'est vrai, Lev n'en manque pas, et ça lui a déjà permis de se tirer de très mauvaises situations. Cependant, ça ne l'empêche pas d'être impulsif, ou même imprudent s'il est trop affecté ; c'est surtout son âge qui joue en sa défaveur dans ces moments de fortes tensions. Il est aussi bon de noter que Lev est “workhaolic” ; le travail est pour lui presque compulsif, et lorsqu’il est plongé dans quelque chose, cette tendance à l'hyper focalisation peut le conduire à négliger tout le reste.
Même s'il endosse de nombreuses responsabilités vis-à-vis de sa mère, Lev n'en reste pas moins un jeune homme, et il en oublie parfois qu'il a encore beaucoup à apprendre de la vie.
Ce manque d'expérience se ressent aussi en partie sur le plan amoureux, puisqu'il n'a jamais vraiment entamé d'histoire sérieuse avec qui que ce soit. Par pudeur ou même par peur de l'engagement, cela reste encore à déterminer. Il faut dire que le schéma familial a fait pas mal de dégâts concernant ses attentes à ce niveau, et l'a laissé en proie à beaucoup de doutes.
La famille, parlons-en. Bien qu'il aie sa mère à ses côtés, et l'aime profondément, il ne peut s'empêcher de parfois laisser son esprit divaguer à ce que pourrait être une "vraie" famille. Qu'est-ce qu'une famille unie, dont chacun des membres se soutient ? Cette question reste en suspens, tandis que Lev oscille entre remords et amertume.
Enfin, et étonnamment car il est plutôt terre à terre de manière générale, Lev est extrêmement superstitieux. Vous ne le verrez jamais passer sous une échelle…
Du haut de son 1m77, il n'est ni grand, ni petit : juste dans la moyenne, ce qui l'arrange bien. Lorsqu'il ne les teint pas, ses cheveux sont blond clair, et il a les yeux bleus. Au premier regard, il n’a aucun tatouage ou piercing visible, car il dissimule le plus souvent ces derniers sous des vêtements couvrants.
Il possède cependant une tâche de naissance de forme un peu triangulaire dans l’intérieur du bras gauche, ainsi qu’un tatouage “anarchiste” sur le torse et quelques piercings moins conventionnels.
Comme Lev n'aime pas être identifié dans la masse, il a développé certaines habitudes vestimentaires dans le but de s'y fondre ; son style est sobre et passe-partout la plupart du temps, essentiellement composé de couleurs neutres, et de casquettes ou de capuches rabattues pour éviter de dévoiler son visage à des observateurs trop indiscrets. Au fur et à mesure, il s’est changé en véritable caméléon humain, en expérimentant même parfois avec le maquillage, la teinture, et les lentilles de couleur.
C'est aussi quelqu'un qui fait attention à sa santé, et ne touche en général ni à l'alcool, ni aux cigarettes. En revanche, il possède bien une légère addiction… aux chewing-gum. Ce n’est pas tant une addiction qu’un moyen de se concentrer, en réalité, et il n’est pas rare de le voir mâchonner lorsqu’un problème lui résiste, ou qu’il est soumis à un stress trop intense.
Cadette d’une fratrie de trois enfants, Anya Sidorov est issue de la bourgeoisie russe, et même de la “haute”, si l’on puit dire. C’était une enfant modèle et d’une grande sensibilité, particulièrement versée dans la musique. Elle fit d’ailleurs des études dans ce domaine, et devint rapidement une jeune violoncelliste renommée. Chérie par ses parents, ceux-ci la destinaient à une union avec un jeune homme bien sous toute couture, un certain français du nom d’Antoine Basillac. Sans questionner leur choix et comme elle l’avait toujours fait jusque-là, Anya se plia à leurs exigences et les fiançailles furent très vite conclues. Antoine était d’ailleurs un homme charmant, un homme que toute jeune femme aurait sans doute aimé. Malheureusement pour lui, Anya semblait être l’exception à cette règle. Incapable de lui réciproquer ses sentiments, elle se perdit chaque jour un peu plus dans l’étude de sa musique pour éviter le vague à l’âme qui l’envahissait lorsqu’elle était aux côtés d’Antoine.
C’est lors de l’un des petits concerts qu’elle donnait de temps à autres qu’elle fit la rencontre de Mikhail Kotov et de son groupe “d’amis”. Les jeunes gens s’étaient trouvés là par le hasard des circonstances, et s’étaient montrés agités dans le public, insubordonnés. Ils n’étaient pas là par choix, et accompagnaient manifestement quelqu’un d’autre. Cependant, les premiers accords joués, la salle avait retrouvé le silence, et lorsque le regard d’Anya croisa celui de Mikhail, elle sut qu’il n’était pas si insensible que cela à sa musique. Ou à elle.
C’est à la sortie de ce concert que Mikhail la retrouva pour la première fois pour tenter de l’inviter au bar. Avec pudeur, la jeune femme refusa en expliquant qu’elle était fiancée, ce qu'il balaya d’un geste de main, appuyé par ses amis.
“Rien qu’un verre ! Pour vous remercier pour ce soir.”.
Anya n'avait quasiment jamais consommé d’alcool de sa vie. Pourtant, elle accepta de céder à ce regard charmeur.
De cette simple soirée avaient découlé une multitude d’autres rencontres, puis une liaison brûlante entre les deux jeunes gens. Mikhail était un amant peu patient, mais Anya avait aimé cette ardeur qu’était la sienne, dans leurs débuts. Pour la première fois, elle s’était sentie désirée, libérée d’une union dans laquelle elle n’arrivait pas à s’épanouir. Bien qu’il ne lui parle pas beaucoup de ses activités, les nombreux présents qu’il lui faisait et l’arme qu’il portait ne laissaient pas beaucoup de doutes à la jeune femme, qui évitait de poser trop de questions. Dans sa candeur, elle ne faisait qu’imaginer. Elle était tombée amoureuse d’un beau criminel qui subvenait à quasiment tous ses besoins, et n’avait pas l'envie d’en savoir plus pour le moment. Les choses étaient biens telles qu’elles étaient. Cependant, Mikhail n’était pas de cet avis.
En demandant sa main à Anya, il espérait non seulement évincer ce bon à rien d’Antoine, mais aussi se rapprocher du père de cette dernière, et pourquoi pas se faire à son tour une place parmi les grands. Des relations qui pourraient s’avérer fort utiles à l’avenir.
Cependant, ce n’est pas de cette façon que les choses se déroulèrent.
Après avoir demandé Anya en mariage, celle-ci résolut effectivement de le présenter à ses parents, qui entrèrent dans une fureur exceptionnelle à l’encontre du jeune homme et envers leur propre fille. Ils menacèrent de renier cette dernière si jamais elle devait aller à l’encontre de leur décision, et cela la plongea dans une profonde tristesse.
Les amoureux ne se virent plus pendant quelques mois, le temps que les choses se calment.
Jusqu’à ce qu’un soir pluvieux de novembre, Anya ne vienne frapper à la porte de chez Mikhail pour lui annoncer l’irréparable : elle était enceinte.
Une nouvelle qui ne semblait pas remuer Mikhail outre mesure, bien au contraire. La jeune femme enceinte, quel genre de parents pourraient encore s’opposer à leur mariage ? Ils n’auraient pas d’autre choix que de le prendre pour gendre.
Mais les parents d’Anya s’y refusèrent, et mirent leurs menaces à exécution.
Faire des cadeaux à Anya était une chose. L’entretenir parfaitement, elle et leur futur enfant, en était une autre. Déjà à l’époque, Mikhail était en proie à des sautes d’humeur fréquentes, qu’il dirigeait le plus souvent sur leurs meubles, ou même sur certains de ses amis. Cependant, il ne frappa jamais Anya tant qu’elle était enceinte. C’est une fois leur enfant né que les choses prirent un tour plus sombre.
Avec les années, Mikhail avait pris du grade au sein de la Ugol. Frustré par l’attitude de ses beaux-parents à son égard, il s’acharna à essayer de les détruire sur leur propre territoire : celui du relationnel. En se servant des liens qu’il avait acquis, il plongea l’entreprise familiale de transports maritimes dans la déchéance.
Mais cela ne lui suffisait pas.
Les disputes entre lui et Anya étaient fréquentes. Les sorties de la jeune femme se firent de plus en plus rares, avant de se restreindre uniquement aux courses et à amener Lev à l’école. Le quotidien à la maison se perdait entre engueulades perpétuelles et escalade de la violence. Le geste de trop, ce fut une tasse de café brûlant jetée au visage de Mikhail quand celui-ci insultait pour la énième fois la jeune femme. La réponse fut immédiate : il lui donna plusieurs coups ce soir-là, comme s’il avait attendu que ce soit elle qui craque pour enfin laisser libre court à sa rage.
Et Lev dans tout ça ? Lorsque cet incident survint, il avait déjà dix ans, et s’était élevé plusieurs fois pour prendre la défense de sa mère, sensible à sa situation. Ayant grandi dans cette atmosphère, il ne s’était pourtant pas tout de suite rendu compte de l’anormalité de son quotidien. C’était seulement en sortant du cadre familial, en allant chez ses petits camarades de classes, en lisant des livres, qu’il comprit peu à peu ce qui se déroulait chez lui. Cependant, il n’était qu’un enfant. Un enfant face aux poings d’un homme ne pouvait pas faire grand chose.
La colère de son père se déversait rarement sur lui, et il était davantage témoins que victime directe. Cependant, à l’adolescence, il commença à s’affirmer peu à peu, et à recevoir des coups en conséquence. Pourtant, cela lui semblait toujours préférable au fait de regarder sa mère se faire frapper sous ses yeux. Il n’était plus l’enfant démuni face au théâtre des adultes. Bientôt, il pourrait prendre part.
Et peut-être que son père en avait pris conscience.
Sa disparition fut aussi soudaine que complète. Mikhail ne laissa rien de lui, pas même un mot pour s’expliquer. Et bien que cela lui en coûte de l’avouer, cette disparition est sans doute ce qui a le plus blessé Lev, bien que cela soit inexplicable. Avait-il secrètement nourri l’espoir qu’un jour, les coups laissent place à une relation plus modérée, voire à un environnement stable ? Impensable. Pourtant, derrière la haine qu’il éprouvait à l’encontre de ce père qui les avait maltraités pendant si longtemps lui et sa mère, une amertume s’était aussi installée, dévorante.
Peu après cela, en 2020, Anya prendra une décision majeure. En difficulté face à un monde qui semble sur le point de s’effondrer à tout instant, et contrainte à s’occuper seule de Lev, elle décide de quitter la Russie pour s’installer au Royaume-Uni, et bénéficier des aides gouvernementales promises. Elle devient aide maternelle, et fait définitivement une croix sur sa carrière de violoncelliste.
Un an plus tard, pour les quinze ans de Lev, la petite famille reçoit une première lettre, non signée, qui lui souhaite un bon anniversaire. Elle est accompagnée d’un chèque généreux, dont le jeune homme et la mère ne savent pas quoi faire, et décident de ne pas encaisser. Anya fait le choix de déménager à nouveau, ce sur quoi ils s’installent dans un petit quartier résidentiel familial. Aucune autre lettre ne leur parvient, mais à l’insu de sa mère, Lev décide qu’il sera désormais celui qui traque, et plus l’inverse. Dès lors, il commence à entreprendre des recherches pour retrouver la trace de son père, convaincu qu’il se trouve lui aussi au Royaume-Uni.
A côté de ça, il se découvre aussi une passion toute autre. Curieusement, cela commence par une bonne action ; l’un de ses professeurs de lycée a malencontreusement laissé sa clef dans sa voiture, et l’a enfermée à l’intérieur. Il croise Lev à la sortie de ses cours, et lui demande s’il a une idée de comment forcer la serrure de sa voiture. Bon gré mal gré, ils y parviennent tant bien que mal, et Lev rentre chez lui.
Après cet évènement, Lev commence à expérimenter avec d’autres serrures, puis avec des mécanismes de plus en plus complexes. Une passion est née. En 2025, il entame des études de lettres modernes. Cependant, il est contraint d’arrêter en cours d’année car sa mère tombe en dépression. Il reprend l’année suivante, une fois sa santé mentale stabilisée. En 2029, il obtient son diplôme, et enchaîne avec un master. Actuellement, il poursuit ses études de façon assidue.
En parallèle, Lev a cependant décidé de s’engager sur une voie très différente de ce à quoi ses études l’ont habitué : bien loin de l’enseignement des bancs d’école, il apprend à craquer les verrous et serrures les plus tenaces, jusqu’à atteindre un niveau inégalé dans le domaine. Les mécanismes les plus ingénieux ne lui résistent plus, et sont un véritable jeu pour lui. Mais en restant dans la légalité, les défis se font rares. Cet appel du pied coïncide avec un besoin d’argent croissant pour pouvoir poursuivre les recherches sur son père, et pour la première fois, Lev décide de mettre un pied sur Crime.net pour y proposer ses services.
La demande est forte.
D’anonyme parmi tant d’autres, il passe au statut de “Golden Hands”. Puis, les internautes le surnomment “Midas”. L’ironie lui plaît, et il adopte le pseudonyme pour de bon.
Lev se découvre un goût du risque, accepte des contrats de plus en plus audacieux. Petit à petit, il s'établit comme véritable expert en matière de craquage de coffre-fort. Cependant, il veille aussi à rester le plus discret possible, et à ce que ces deux pans de sa vie ne se rencontrent jamais. Mais combien de temps cela sera-t-il possible ? Pour se libérer du stress grandissant, il commence à sortir de temps en temps, et à fréquenter des établissements dans lesquels il peut lâcher un peu de lest tout en dissimulant son identité. Cela lui permet de rétablir un équilibre précaire dans sa vie prête à foutre le camp.
|
|
|