Le brouhaha parasitaire de la vie qui foisonnaient à l'extérieur détonnait de la solitude silencieuse dont elle souffrait comme d'une maladie incurable.Les globes oriculaires rougeâtres et enflés, son pistolet tremblait à cause de sa main qui le pressait contre sa tempe droite. Elle pouvait sentir le bout cylindrique du canon contre la fine peau qui recouvrait son crâne si facile à transpercer d'un simple mouvement de doigt.
L'Hackeuse avait tout prévu, une mort rapide offerte par une balle qui se trouvait dans son barillet. Une délivrance grotesque qui allait lui offrir un aller simple loin de ce monde atroce dans lequel elle avait du se salir les mains jusqu'à ne plus se reconnaitre dans le reflet de sa glace tachetée.
En une fraction de seconde, le bruit lourd causé par la pression de la détente retentit et ainsi, la balle vint transpercer le diencéphale tout en détruisant ses tissus et le cervelet de la jeune femme sur le coup.Son corps tomba lamentablement de son siège au carrelage froid désormais tâché d'une flaque vermeille.Ses fonctions vitales s'étaient arrêtées net suite à l'impact, laissant seulement derrière elle un corps ensanglanté incapable de respirer.
Une mort lamentable, mais salvatrice d'une agonie récurrente dans la dure vie sur la Terre de 2032. C'est ce qu'elle avait voulu, si elle en avait seulement le courage. A chaque fois, le pistolet quittait sa tempe afin de retourner se terrer dans son tiroir de marbre, mouillé des larmes de sa détentrice.
Sanae pouvait entendre depuis son casque blanc immaculé posé sur le sol, les hurlements à gorge déployées des personnes tuées contre leur gré sur le site de Redroom qu'elle avait sécurisé.Toute cette protection digitale qui l'entourait était codée comme un réel bijou d'orfèvrerie dans le but de gagner de l'argent. Au fur et à mesure des cris incessants, des bruits de clochettes retentissaient signifiant la venue des dons des viewers. Permettre à des gens d'en tuer d'autres depuis un live sur internet pour se faire son propre oseille, comment ne pas vivre sans en avoir honte ? Tout ce qui lui restait pour ne pas perdre pied, c'est essayer de se convaincre qu'elle le fait pour une bonne raison:
Gagner assez d'argent pour préserver les enfants du globe de souffrir comme elle a pu souffert.
L'Hackeuse est le plus souvent munie d'une tenue mélangeant le street-wear et l'élégance, avec une veste à fourrure noire accompagnée d'une cravate bleue.
D'origine, ses cheveux et ses yeux étaient noirs mais elle a décidé de changer l'ensemble de ses couleurs. Ainsi, elle a adopter une coloration verte et des lentilles de contact rosées sur ses iris. Son parfum est très chique et semble être de très bonne facture. Son vocabulaire quant à lui semble à la fois décontracté mais pas vulgaire. Sanae semble être une fille sûre d'elle et qui aime se mettre en avant pour commander. Elle aime donner des conseils à qui en a besoin et en général elle ne pourra pas s'empêcher de parler un peu trop fort et dire ce qu'elle pense tout haut. Une fille colorée et chaleureuse, dont il est difficile d'imaginer de la tristesse se dessiner sur son visage de porcelaine.
Non, sans blague, je pouvais pas faire plus cliché que ça.Mais, ça me faisait rire de le mettre alors je l'ai mis. Pour dire vrai, je suis à bout. Je viens encore de faire ce même cauchemar. Le passé me hante et me tourmente et chaque jour que je passe, j'ai l'impression d'être cloisonnée dans une prison de verre à travers du quel je vois le monde de travers.Il est deux heures du matin et je me fracasse les yeux avec la lumière de mon smartphone. J'ai tout essayé. Tout je te dis. J'essaie de vivre, mais c'est si dure. Comment quelque chose pour lequel nous sommes programmés peut-être à la fois si dure et facile ? Je respire sans m'en donner l'ordre, pourtant à l'intérieur de mon existence emplie de laideur mon coeur s'écoeure. Je me sens comme asphyxiée ou noyée dans les profondeurs de l'océan où la moindre lumière me semble lointaine et inatteignable... Je lève ma main comme pour m'y accrocher et pourtant dans les gouffres je me sens m'engouffrée. J'ai regardé les abysses et les abysses ont regardés en moi. Nous sommes tous deux colorés de noir au plus profond de nous.
"-Oh, arrête de pleurer ma chérie ! Je pars juste voir ton oncle quelques jours aux Etats-Unis. Tu sais quoi, ma Reine ? Tu as enfin un cousin !"
C'était en 2017 et j'avais 6 ans à l'époque. J'aimais tellement mon père que je pleurais comme une madelaine dès qu'il voulait me laisser plus de deux minutes. Ce jour là, je ne savais pas que j'allais le voir pour la dernière fois. Il a prit l'avion pour voir son frère devenir papa.Il était dépressif et avait des problèmes de fécondité, alors mon père était très heureux pour lui d'avoir enfin pu accomplir ça. Deux jours plus tard, les Etats-Unis ont étés rayés de la carte. Tout comme mon pauvre père d'ailleurs. La Russie m'a privé de mon père, mais plus encore. Ils ont privés mon père d'une sépulture où reposer et où prier. Il s'est comme envolé. Comme si... Il n'avait jamais existé.
Je me souviens de son visage grâce aux photos de maman, sinon j'aurais oublié. La mémoire humaine est si faillible, alors je me suis promis de toujours garder la photo de ses noces dans mon portefeuille afin de ne jamais plus oublier.
Ca a été très dure pour ma mère. Peut-être même encore plus que pour moi... Elle a dû m'élever seule avec ma grand-mère qui était déjà très âgée, alors j'ai essayé d'être une gentille fille. C'était dure pour moi de sociabiliser, alors ma mère a travailler dure pour pouvoir m'acheter un PC. Une vieux grille-pain hahaha... Mais j'étais si heureuse. Alors j'ai joué encore et encore afin de prendre du plaisir ailleurs que dans ce monde pourris. J'ai appris à programmer très jeune. J'ai même fait mon propre jeu vidéo, un tour par tour avec des démons et des fantômes. J'essayais d'en parler à ma mère, mais elle avait toujours trop peur et du coup elle me demandait d'arrêter de lui en parler.
On vivait tranquillement, puis un jour Mamie s'est éteinte dans son lit, de vieillesse. Elle commençait à devenir sénile. Elle disait qu'elle entendait des rats grignoter entre les murs. Maman était triste, mais soulagée qu'elle soit décédée paisiblement. J'étais jeune alors je me suis embrouillée avec elle car j'étais triste et je ne comprenais pas que ça l'affecte "aussi peu". Qu'est-ce que j'étais idiote.
Puis un jour, alors qu'on s'était embrouillée car je lui avais dit que je voulais arrêter l'école, elle est partie faire les courses. Je lui ai parlé d'une manière que je regrette, comme une adolescente ingrate. Je lui ai dit de "me lâcher et de me foutre la paix". Je vivais assez mal mon adolescence car je me sentais seule, sans père, sans ma grand-mère. Je pensais que je ne pouvais pas tomber plus bas, et pourtant.
Le centre commercial où ma mère est partie faire les courses se trouvait dans une zone ciblée par un casse et elle a été une victime collatérale. Ma mère est morte ce jour là. Je n'ai jamais été aussi seule de ma vie qu'après ça. Elle a été enterrée à côté de ma grand-mère dans un petit village de la province de Kyoto d'où elles étaient originaires. Quant à moi, j'ai du enterrer peu à peu la moi que j'étais et tenter de survivre du haut de mes 18 ans.
J'ai alors commencé à cracker des jeux-vidéos sur internet et les redistribuer en Torrent, toujours sous le même Pseudo: No. Le Kanji "No" signifie Roi ou Reine en Japonais. C'est comme ça que mon père m'appelait quand j'étais petite : "Ma Reine". J'ai alors fini par me faire connaître par un petit public, alors j'ai ouvert un compte pour qu'on m'envoie des dons pour me remercier de mon travail. C'est là où j'ai touché mes premiers sous par moi-même. Plus je devenais connue, plus je recevais des mails d'entreprises qui me demandaient de travailler sur la sécurité de leur site, car être Hackeur c'est savoir trouver des failles et en abuser. Avec la pluralité de ces moyens de me faire de l'argent, j'ai commencé à pouvoir vivre décemment ma vie.
J'en voulais terriblement au monde de m'avoir pris ceux que j'aimais et en même temps quand je jetais un oeil dehors dans ce monde pourris je voyais que je n'étais pas la seule. Beaucoup d'autres enfants avaient dû souffrir autant que moi. Vivre ce que j'ai vécu. Cette haine en moi ne s'étouffera jamais. J'essaie de l'oublier en me focalisant sur à quel point j'aimerai empêcher les autres enfants innocents de souffrir comme j'ai souffert. Le mal engendre le mal. C'est utopique ce que je vais dire mais si je veux avoir une chance, même à petite échelle de détruire le mal, je dois le faire à la racine.
Protéger les enfants d'aujourd'hui c'est protéger ceux de demain. Mais je ne pouvais rien faire dans ma situation contre cela.
Alors j'ai continué de travailler, accepter d'avantage d'opportunités, développer mon réseau. Puis un jour j'ai été contactée par mail. C'est ainsi que j'ai commencé à travailler pour quelqu'un de peu recommandable. Il disait avoir réellement besoin de mes compétences. Qu'il souhaitait faire le bien, mais à sa manière. Purger le mal par le mal. Il m'a expliqué ses motivations et ce qu'il attendait de moi. Combien ça me rapporterait.
C'est comme ça que je me suis mise à travailler pour une Redroom. Un live en direct sur internet, sur un site caché dans les méandres de la toile. Lui et son groupe, ils saisissent des ressortissants de prison, des fichés S, des pédophiles, des violeurs... Puis ils attachent et leur font subir ce que le chat veut moyennant finances à travers les dons. Je suis payée pour ma programmation et je touche un pourcentage de ces dons. Parfois je me pose devant ces lives, je regarde mon écran, poussée par la curiosité morbide et je m'arrête de vivre comme ces corps qui s'éteignent sous mes yeux. Je suis terrifiée, dégoutée par la brutalité que je vois.Mais je n'ai pas le choix...
Puis d'un autre côté... Alors que mon corps est révulsé, mon esprit lui se sent apaisé de voir enfin une vraie justice être appliquée dans ce monde empli de cruauté...
...Je sens enfin les bras de morphée m'appeler, mais ce n'est pas sans crainte de rêver de gens assassinés que mes yeux sont entrain de se fermer...
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