Invité
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Première fois face à Joey Moretti pas vrai? Il a l’air bien. Un peu étrange, mais bien. Une bonne vibe de gars qui a vu pire et qui comprend que personne n’est parfait. Il y a des gens sympathiques qui sont tout à fait respectables, avec de l’entre-gens et un bon sens de l’humour. Les premières interactions coulent perfecto et les sourires sont nombreux. Ça fait du bien de sentir l’humain derrière le masque parfois. En tout cas il en donne l’impression. Mais si vous apprenez à le connaître, on finit par trouver des petites cicatrices qui saignent de temps à autre.
King Moretti dans sa psyché usée. Il y a des bâtards qui ne veulent pas crever. Qui ont échappé au destin, mais au prix d’une boule d’angoisse dans les tripes ad vitam aeternam. Comme un bon vieux pacte avec notre Lucifer chéri. Comment ne pas renaître sans traumatismes d’une oblitération de son enfance? Pas possible et en plus, tentaculaire : le besoin viscéral de combler le vide tout le temps, de fuir la possibilité de perdre, de finir par trouver quelqu’un qui comprenne son inconfort, de polir le mal d’être. Une appartenance déjà brisée, inscrite en caractères gras sur le cover du manuel d’instruction, mais quand tu l’ouvres il est vide. Parfois il phantasme de trouver la signification de « chez soi », mais Joey n’aime pas se plaindre de ses cafards. Bref ça va on est tous humain quoi.
C’est pourquoi il obsède sur ce qui peut lui faire du bien. Un paquet d’obsessions gravitent dans sa vie en phases, en cycles, en concerto de semi-destructions et semi-reconstructions. Sa vocation de chauffeur d’abord, puis l’organisation de sa vie dans un dédale bien organisé de natation, d’avis d’éviction, de courses à pied, d’alcool, de son chien, de courses en voitures, de femmes, de baises, d’ivresses. Et puis d’un coup quand il en a assez de se perdre, ça lui arrive de se poser et de se surprendre lui-même à aider. Un peu par la faute d’une cicatrice d’empathie qui souhaite empêcher le monde entier de subir de la souffrance. Un petit choc d’impuissance à chaque fois.
Ça vient surement de ses runs de chauffeur de taxi, mais écouter d’une oreille attentive un inconnu lui déballer la merde de ses malheurs sans juger, ça il connait bien. Il hoche la tête des fois et tout est bien comme ça. Il leur a pris un morceau de leur tracas et les range bien doucement dans son coffre à gants. Ça fait parti du métier et ça, il en fait son devoir de manière impeccable. Le job avant tout. Évidemment, il y a des choses qu’il ne peut pas supporter. Son self-control est parfois de calibre olympique quand il croise ces abuseurs du système, du chaos et des autres. Ça lui déchire les tempes de voir des imbéciles profiter de la destruction des USA pour se lever au-dessus de la masse sans le moindre remord. Ça lui donne une envie pressante de leur faire avaler cette poignée de remords bien profond dans la gorge. Mais il y a un moment pour chaque chose, pas vrai? Alors il hoche la tête.
Fun fact : il déteste les services Delamain. Vous pensez quoi! Ces fils de putes l’on foutu à la retraite forcée!
King Moretti dans sa psyché usée. Il y a des bâtards qui ne veulent pas crever. Qui ont échappé au destin, mais au prix d’une boule d’angoisse dans les tripes ad vitam aeternam. Comme un bon vieux pacte avec notre Lucifer chéri. Comment ne pas renaître sans traumatismes d’une oblitération de son enfance? Pas possible et en plus, tentaculaire : le besoin viscéral de combler le vide tout le temps, de fuir la possibilité de perdre, de finir par trouver quelqu’un qui comprenne son inconfort, de polir le mal d’être. Une appartenance déjà brisée, inscrite en caractères gras sur le cover du manuel d’instruction, mais quand tu l’ouvres il est vide. Parfois il phantasme de trouver la signification de « chez soi », mais Joey n’aime pas se plaindre de ses cafards. Bref ça va on est tous humain quoi.
C’est pourquoi il obsède sur ce qui peut lui faire du bien. Un paquet d’obsessions gravitent dans sa vie en phases, en cycles, en concerto de semi-destructions et semi-reconstructions. Sa vocation de chauffeur d’abord, puis l’organisation de sa vie dans un dédale bien organisé de natation, d’avis d’éviction, de courses à pied, d’alcool, de son chien, de courses en voitures, de femmes, de baises, d’ivresses. Et puis d’un coup quand il en a assez de se perdre, ça lui arrive de se poser et de se surprendre lui-même à aider. Un peu par la faute d’une cicatrice d’empathie qui souhaite empêcher le monde entier de subir de la souffrance. Un petit choc d’impuissance à chaque fois.
Ça vient surement de ses runs de chauffeur de taxi, mais écouter d’une oreille attentive un inconnu lui déballer la merde de ses malheurs sans juger, ça il connait bien. Il hoche la tête des fois et tout est bien comme ça. Il leur a pris un morceau de leur tracas et les range bien doucement dans son coffre à gants. Ça fait parti du métier et ça, il en fait son devoir de manière impeccable. Le job avant tout. Évidemment, il y a des choses qu’il ne peut pas supporter. Son self-control est parfois de calibre olympique quand il croise ces abuseurs du système, du chaos et des autres. Ça lui déchire les tempes de voir des imbéciles profiter de la destruction des USA pour se lever au-dessus de la masse sans le moindre remord. Ça lui donne une envie pressante de leur faire avaler cette poignée de remords bien profond dans la gorge. Mais il y a un moment pour chaque chose, pas vrai? Alors il hoche la tête.
Fun fact : il déteste les services Delamain. Vous pensez quoi! Ces fils de putes l’on foutu à la retraite forcée!
Vous entrez dans le véhicule. L’homme venait de vous faire un « ok » de la main, vous ouvrant ensuite la portière dans un geste rapide, mécanique, routinier. En passant à proximité, une odeur très subtile de conifère et de bergamote flotte dans l’air. Un bref regard vous dévoile un sourire immaculé, ouvert et calculé. Des sourcils broussailleux contrastent sur des yeux qu’on ne voit pas si souvent. Un mélange d’ambre-roux qui tire sur des pointes orangées en leurs centres. Ses traits sont bien définis : nez, joues et lèvres paraissent taillés sans retouches, finissant par une mâchoire rugueuse picotée de poils d’à peine 24 heures. Lorsqu’il vous fait signe de prendre place, le mouvement de tête fait tressaillir ses cheveux couleur charbon contre son front et ses tempes. Sa nuque est fraichement coupée. Le son étouffé de la portière qui s’imbrique dans l’habitacle vous isole du monde extérieur. Mais ça vous donne l’occasion d’observer le chauffeur qui contourne le devant de la voiture.
Il porte une chemise noire à col mao, sous une veste en cuir un peu trop usée. Son jeans aussi est usé, porté ample sans flaflas et quelques mailles blanchâtres qui s’étirent au niveau poches. Son sourire s’est effacé et son visage est maintenant au neutre, lui donnant un aspect plus grave, plus fatigué. Vous n’êtes pas son premier client. Sa démarche est solide et ample sans être nerveuse, à la manière de ceux qui font du sport depuis pas mal d’années. Clairement, vous lui donnez dans la fin vingtaine, début trentaine pas plus. L’homme prend une seconde pour empoigner ses clés en regardant brièvement les environs et entre à son tour dans la voiture. Un soupir lent et le moteur s’active. La vibration se propage dans la voute suivie d’un cliquetis de boutons. Une main large empoigne le bras de vitesse tandis que l’autre s’agrippe sur le volant. Vous voyez le profil de son visage s’étirer dans un demi-sourire, puis ses yeux à nouveau dans le rétroviseur venant se poser sur les vôtres. « Où allons-nous aujourd’hui? ». Prononce-t-il toujours avec précision. Une voix sèche un brin rauque qui se marie bien avec son veston. Juste un accent anglo-saxon qui plane comme un aigle royal.
Il porte une chemise noire à col mao, sous une veste en cuir un peu trop usée. Son jeans aussi est usé, porté ample sans flaflas et quelques mailles blanchâtres qui s’étirent au niveau poches. Son sourire s’est effacé et son visage est maintenant au neutre, lui donnant un aspect plus grave, plus fatigué. Vous n’êtes pas son premier client. Sa démarche est solide et ample sans être nerveuse, à la manière de ceux qui font du sport depuis pas mal d’années. Clairement, vous lui donnez dans la fin vingtaine, début trentaine pas plus. L’homme prend une seconde pour empoigner ses clés en regardant brièvement les environs et entre à son tour dans la voiture. Un soupir lent et le moteur s’active. La vibration se propage dans la voute suivie d’un cliquetis de boutons. Une main large empoigne le bras de vitesse tandis que l’autre s’agrippe sur le volant. Vous voyez le profil de son visage s’étirer dans un demi-sourire, puis ses yeux à nouveau dans le rétroviseur venant se poser sur les vôtres. « Où allons-nous aujourd’hui? ». Prononce-t-il toujours avec précision. Une voix sèche un brin rauque qui se marie bien avec son veston. Juste un accent anglo-saxon qui plane comme un aigle royal.
Joey Moretti devait avoir presque douze ans lorsque tout éclata. Littéralement tout. « Boum » vous saisissez?
Avant cela, son enfance fut bordée dans un coin bien planté au cœur de Manhattan. Pour être plus exact : dans un minuscule placard de la Petite Italie, entre une épicerie qui sentait mi-figue mi-parmesan et un bar de quartier miteux à la tapisserie écaillée qui se faisait passer pour les chiottes du pire café de Florence. Respectable quoi. Sa mère, trop jeune, trop saoule et trop seule, faisait son insuffisant possible pour élever un petit garçon sans papa. Une lueur d’amour peut-être bien. Mais Joey comprit vite que le réconfort allait venir de l’extérieur plutôt que de l’intérieur. Le bruit? Là-bas, il y en avait partout tout le temps : le train, les voitures, les chiens, les autres chiens, les klaxons, les moteurs (ceux-là le dérangeaient moins vous comprendrez plus loin), les ivrognes, le voisin qui pratique son bongo-bongo au-dessus de sa chambre, les milliers de copains de sa mère et les gens qui crient. Oui, ceux-là étaient particulièrement bruyants c’est vrai. Il haïssait sa vie. Elle n’avait jamais été confortable. L’odeur de l’ennui, même quand on est petit, ça finit par s’incruster dans les os et ça ne part jamais.
Alors quand tout éclata, on jura à un miracle monumental. En fait, ce fut démesurément atroce à un niveau qui subornait au rang de « promenade sur une plage de sable un peu trop chaud » n’importe quel autre génocide historique de l’humanité. Si on considère que les humains sont les seuls dans l’univers, on peut dire que c'est aussi le pire de tout l’univers. Plus de 330 millions de morts et un empire capitalisé jusqu’à la moelle qui s’envola en fumée de radiation. Comment un garçon de 12 ans peut-il survivre à cela vous me direz? Comme dans la Matrice, Joey Moretti était l’élu et il réussit à transférer sa conscience vers son véritable corps dans le monde des machines après une offre métaphysiquement alléchante de Morpheus et ainsi éviter l’oblitération totale de sa propre simulation. Non sans blague, il était en vacances d’été chez de la famille au Canada.
Un heureux concours de circonstances qui lui sauva la vie, mais pas à sa mère qui périt, imagine-t-on, dans un maelström foudroyant d’explosions vaporisant le moindre centimètre cube de chair. Le problème avec les radiations, c’était qu’elles se propageaient tout de même rapidement et vu l’ampleur du cataclysme, lui, ses cousins, son oncle et sa tante durent fuir vers le nord de Montréal pendant au moins 6 mois. Le gouvernement canadien avait imposé des directives d’éloignement vers les terres nordiques du Yukon et des Territoire du Nord-Ouest. Sa mère lui manquait, c’est la vérité. Mais le réconfort qu’il trouva dans ce voyage était suffisant pour calmer l’envie de vomir sa peine. La route s'étirait longuement, au point que son oncle lui relaya le volant de la vieille Chevy le temps de faire des siestes. Fallait pas s’arrêter. Juste quelquefois pour pisser. Quand il tenait la route avec toute sa concentration, tout devenait si simple pour Joey Moretti : seulement à rouler et rouler et rouler…
Ça ne dura pas trop en fait. Une fois arrivés, des militaires les escortèrent vers un accordéon de refuges. Il se rappelle encore l’odeur de la toile humide qui séparait le froid et les familles. Un mélange d’abricots et de semelle de botte d’hiver bien trempée qui sèche près du radiateur. Puis son oncle lui expliqua un paquet de choses qu’il ne comprit pas trop : des « sans-papiers » et des « t’es un réfugié américain, mon Joey, t’as la chance d’avoir un billet pour un aller simple direct en Europe. Le futur c’est là-bas. Il y a plus rien à faire ici. On peut pas te suivre, but you have all your life in front of you Joey » ou quelque chose du genre. Bon, ce n’est quand même pas une raison pour envoyer un garçon de douze ans seul vers un autre continent, mais c’est quand même ce qui arriva. Le voyage fut difficile et il pleura beaucoup dans son chandail deux tailles trop grandes des Yankees. Il n’avait pas eu le temps encore.
**
Certains pans de sa vie ont laissé ainsi des traces indélébiles sur son visage. Des expressions de colère sèche et d’amertume. De sourcils froncés dans le vide. Des envies viscérales de fuite. On s’était bien foutu de sa gueule jusqu’alors et quand son entourage n’avait pas réussi à prendre soin de lui, ce fut le système qui s’en chargea. Arrivé en Europe, il fut transféré vers un pensionnat pour « enfants américains seuls possédant un papier écrit réfugié politique dessus ». La période charnière de son adolescence lui permis de se forger un semblant d’identité bancale de jeune homme tranquille, silencieux et un brin ténébreux. En revanche, quand il put faire son permis et s’acheter une voiture, tout vint chambouler ce qu’il croyait être sa personnalité.
Joey Moretti vouait un amour profond au ronronnement constant du moteur, à perdre des heures à sillonner la Ville. Pas besoin de trop réfléchir, juste s’imbriquer dans les sillons d’asphalte. Appuyer sur l’accélérateur et foudroyer de frissons son épiderme en picotements d’adrénaline lui procurait un bien fou. Quasi thérapeutique. C’était simple, mais ça mettait un baume sur l’angoisse du silence qui pesait souvent dans son ventre et en plus, ça lui donnait quelques points en popularité. Même son premier baiser survint sur le siège du passager. Ils s’étaient jetés sur la banquette arrière à la sortie des classes, entrelacés, le temps d’oublier la douleur existentielle et de tomber pour l’autre.
À 16 ans, il se trouva un job chez un mécano de quartier et quitta les études. De toute façon, ça l’emmerdait un peu la scolarisation et le surhomme de Nietzsche avait sonnée une note de révolte en lui. Ça et la fin de l’accompagnement des réfugiés américains. Il pouvait se débrouiller seul, il l’avait toujours fait après tout non? Cette période, du moins jusqu’à ses 20 ans, s’entrecoupait de déménagements, de boulots pas toujours clean, de sexe en montagne russe et de fuites incessantes. À ce moment, des rumeurs de ce groupe de justiciers commençaient à courir. Des volontaires pour faire le ménage dans la sous-crasse de ce monde déjà beaucoup trop crasseux. Buter des bâtards qui profitent du chaos pour s’en mettre dans les poches pendant que des millions s’étaient fait pulvériser l’intégralité de leur existence. Une douce mélodie à ses oreilles oui.
Ce fut par hasard qu’il tomba dans une boîte de chauffeurs de taxi. Déjà, il voulait un peu de changement et son dernier boss lui avait collé un renvoi pour « vol dans la petite caisse parce que Rémy l’avait vu ». Un autre imbécile heureux ce collègue Rémy. Juste 205 dollars et 25 sous ça ne faisait pas de mal à personne. Combien de foi avaient-ils gonflé les factures des clients pour des fausses réparations? Encore des sous-merdes profitant du système pour s’en mettre plein les poches oui. Mais taxi driver ça lui convenait mille fois mieux. C’était comme retourner dans une vieille et douce nostalgie à déambuler une main sur le volant et l’autre sur le minuteur. Les meilleurs clients étaient silencieux. La crème de la crème c’était ceux que Joey transportait de manière régulière et qui savaient ne pas trop parler. Juste les formalités. Pas qu’il n’aimait pas parler, mais à force, on dirait que tout le monde parle toujours des mêmes choses. L’extase totale.
Et puis son quotidien changea lorsqu’il commença à faire du transport « privé ». Bon, je sais ce que vous allez vous dire : le taxi, ça ne paye pas beaucoup et en plus ce n’est pas bon pour les lombaires à la longue. Excellent point, mais c’est que la demande en chauffeurs ne posant pas trop de questions semblait augmenter de manière astronomique. C’était avant 2030.
**
L’arrivée du Service Delamain enfonça une bonne douzaine de grenades dans le ventre de l’industrie du taxi qui finit par imploser. Une vraie fin du monde 2.0 pour les chauffeurs affiliés. Tous firent faillite, tous se retrouvèrent sans emploi et Joey Moretti décida de prendre sa retraite au même moment. Même ses contrats de transport « privé » cessèrent complètement. Ça compliqua un peu les choses pendant un certain temps, un bon bout de temps même. On peut mesurer ce laps de temps en jours nécessaires pour vider complètement les comptes en banque et les épargnes en treizième vitesse sur l’autoroute de l’ennui.
Toutefois, lorsque la frénésie nouvelle du Delamain tomba pour laisser place à la routine blasée du genre humain. Il eut une résurgence de ce qu’on peut appeler « un léger intérêt pour le transport old-school » où l’on requérait, lors de certaines occasions particulières, les services de chauffeurs plutôt que ceux de la conduite assistée par IA. Le créneau se développa particulièrement dans les sphères du crime organisé et des instances hautes placées. Comme si le secret corporatif de l’IA mettait un doute sur les données géolocalisées de ses utilisateurs. La coïncidence était fulgurante : le taxi driver retraité reprit du service. Le seul hic était que les boulots ne semblaient pas tous super légaux et que ceux qui l’employaient lui tapaient royalement sur les nerfs avec leur pseudotendance à foutre le bordel au détriment des autres.
On fait tous de mauvais choix, mais quand une carte rouge se posa dans sa main, écrit « vous êtes solennellement convoqué, M. Joey Moretti, à servir la justice et rétablir l’ordre à travers le monde », il n’eut pas le choix. En plus des avantages et conditions de travail négligeables, ça payait plutôt bien. Pas mal de gens étaient acceptés dans les rangs des vigilante carmine. Juste à voir à quel point l’examen psychologique d’entrée était facile. Dans un élan désespéré et sans trop prendre au sérieux le processus, Joey y avait écrit un brin n’importe quoi.
**
Un colis tomba sur le tapis de son appartement. À l’intérieur se trouvaient une lettre et un objet plus volumineux bien emballé. En dépliant la lettre, Joey marmonna son contenu la mâchoire serrée.
« À la lecture exclusive de M. Joey Moretti,
Il nous a été porté à notre attention que l’examen psychologique dûment complété ce 12 janvier 2032 ne correspond pas au profil d’évaluation de l’enquête préliminaire à votre sujet. Nos vérificateurs, auditeurs et inspecteurs ne peuvent confirmer le résultat de l’examen révélant que vous êtes à la fois inapte intellectuellement avec un stade avancé de sénilité.
Aux vues de votre potentiel initial, nous aimerions vous donner une seconde chance. Si vous considérez sérieusement votre application, nous aimerions vous rencontrer à l’adresse et l’heure indiquée ci-dessous pour une reprise de l’examen. Cette fois, sous la surveillance de l’un de nos vérificateurs.
Cordialement,
le New United »
Il s’empressa de déballer l’objet présent dans le colis.
« Motherfuckers… »
Un masque en carton brun kaki, picoté d’ellipses violettes et arborant des gravures de dauphins et d’abeilles se baignant sur des vagues parsemées de constellations.
« Maaaan, The fuckin’ test… »
Avant cela, son enfance fut bordée dans un coin bien planté au cœur de Manhattan. Pour être plus exact : dans un minuscule placard de la Petite Italie, entre une épicerie qui sentait mi-figue mi-parmesan et un bar de quartier miteux à la tapisserie écaillée qui se faisait passer pour les chiottes du pire café de Florence. Respectable quoi. Sa mère, trop jeune, trop saoule et trop seule, faisait son insuffisant possible pour élever un petit garçon sans papa. Une lueur d’amour peut-être bien. Mais Joey comprit vite que le réconfort allait venir de l’extérieur plutôt que de l’intérieur. Le bruit? Là-bas, il y en avait partout tout le temps : le train, les voitures, les chiens, les autres chiens, les klaxons, les moteurs (ceux-là le dérangeaient moins vous comprendrez plus loin), les ivrognes, le voisin qui pratique son bongo-bongo au-dessus de sa chambre, les milliers de copains de sa mère et les gens qui crient. Oui, ceux-là étaient particulièrement bruyants c’est vrai. Il haïssait sa vie. Elle n’avait jamais été confortable. L’odeur de l’ennui, même quand on est petit, ça finit par s’incruster dans les os et ça ne part jamais.
Alors quand tout éclata, on jura à un miracle monumental. En fait, ce fut démesurément atroce à un niveau qui subornait au rang de « promenade sur une plage de sable un peu trop chaud » n’importe quel autre génocide historique de l’humanité. Si on considère que les humains sont les seuls dans l’univers, on peut dire que c'est aussi le pire de tout l’univers. Plus de 330 millions de morts et un empire capitalisé jusqu’à la moelle qui s’envola en fumée de radiation. Comment un garçon de 12 ans peut-il survivre à cela vous me direz? Comme dans la Matrice, Joey Moretti était l’élu et il réussit à transférer sa conscience vers son véritable corps dans le monde des machines après une offre métaphysiquement alléchante de Morpheus et ainsi éviter l’oblitération totale de sa propre simulation. Non sans blague, il était en vacances d’été chez de la famille au Canada.
Un heureux concours de circonstances qui lui sauva la vie, mais pas à sa mère qui périt, imagine-t-on, dans un maelström foudroyant d’explosions vaporisant le moindre centimètre cube de chair. Le problème avec les radiations, c’était qu’elles se propageaient tout de même rapidement et vu l’ampleur du cataclysme, lui, ses cousins, son oncle et sa tante durent fuir vers le nord de Montréal pendant au moins 6 mois. Le gouvernement canadien avait imposé des directives d’éloignement vers les terres nordiques du Yukon et des Territoire du Nord-Ouest. Sa mère lui manquait, c’est la vérité. Mais le réconfort qu’il trouva dans ce voyage était suffisant pour calmer l’envie de vomir sa peine. La route s'étirait longuement, au point que son oncle lui relaya le volant de la vieille Chevy le temps de faire des siestes. Fallait pas s’arrêter. Juste quelquefois pour pisser. Quand il tenait la route avec toute sa concentration, tout devenait si simple pour Joey Moretti : seulement à rouler et rouler et rouler…
Ça ne dura pas trop en fait. Une fois arrivés, des militaires les escortèrent vers un accordéon de refuges. Il se rappelle encore l’odeur de la toile humide qui séparait le froid et les familles. Un mélange d’abricots et de semelle de botte d’hiver bien trempée qui sèche près du radiateur. Puis son oncle lui expliqua un paquet de choses qu’il ne comprit pas trop : des « sans-papiers » et des « t’es un réfugié américain, mon Joey, t’as la chance d’avoir un billet pour un aller simple direct en Europe. Le futur c’est là-bas. Il y a plus rien à faire ici. On peut pas te suivre, but you have all your life in front of you Joey » ou quelque chose du genre. Bon, ce n’est quand même pas une raison pour envoyer un garçon de douze ans seul vers un autre continent, mais c’est quand même ce qui arriva. Le voyage fut difficile et il pleura beaucoup dans son chandail deux tailles trop grandes des Yankees. Il n’avait pas eu le temps encore.
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Certains pans de sa vie ont laissé ainsi des traces indélébiles sur son visage. Des expressions de colère sèche et d’amertume. De sourcils froncés dans le vide. Des envies viscérales de fuite. On s’était bien foutu de sa gueule jusqu’alors et quand son entourage n’avait pas réussi à prendre soin de lui, ce fut le système qui s’en chargea. Arrivé en Europe, il fut transféré vers un pensionnat pour « enfants américains seuls possédant un papier écrit réfugié politique dessus ». La période charnière de son adolescence lui permis de se forger un semblant d’identité bancale de jeune homme tranquille, silencieux et un brin ténébreux. En revanche, quand il put faire son permis et s’acheter une voiture, tout vint chambouler ce qu’il croyait être sa personnalité.
Joey Moretti vouait un amour profond au ronronnement constant du moteur, à perdre des heures à sillonner la Ville. Pas besoin de trop réfléchir, juste s’imbriquer dans les sillons d’asphalte. Appuyer sur l’accélérateur et foudroyer de frissons son épiderme en picotements d’adrénaline lui procurait un bien fou. Quasi thérapeutique. C’était simple, mais ça mettait un baume sur l’angoisse du silence qui pesait souvent dans son ventre et en plus, ça lui donnait quelques points en popularité. Même son premier baiser survint sur le siège du passager. Ils s’étaient jetés sur la banquette arrière à la sortie des classes, entrelacés, le temps d’oublier la douleur existentielle et de tomber pour l’autre.
À 16 ans, il se trouva un job chez un mécano de quartier et quitta les études. De toute façon, ça l’emmerdait un peu la scolarisation et le surhomme de Nietzsche avait sonnée une note de révolte en lui. Ça et la fin de l’accompagnement des réfugiés américains. Il pouvait se débrouiller seul, il l’avait toujours fait après tout non? Cette période, du moins jusqu’à ses 20 ans, s’entrecoupait de déménagements, de boulots pas toujours clean, de sexe en montagne russe et de fuites incessantes. À ce moment, des rumeurs de ce groupe de justiciers commençaient à courir. Des volontaires pour faire le ménage dans la sous-crasse de ce monde déjà beaucoup trop crasseux. Buter des bâtards qui profitent du chaos pour s’en mettre dans les poches pendant que des millions s’étaient fait pulvériser l’intégralité de leur existence. Une douce mélodie à ses oreilles oui.
Ce fut par hasard qu’il tomba dans une boîte de chauffeurs de taxi. Déjà, il voulait un peu de changement et son dernier boss lui avait collé un renvoi pour « vol dans la petite caisse parce que Rémy l’avait vu ». Un autre imbécile heureux ce collègue Rémy. Juste 205 dollars et 25 sous ça ne faisait pas de mal à personne. Combien de foi avaient-ils gonflé les factures des clients pour des fausses réparations? Encore des sous-merdes profitant du système pour s’en mettre plein les poches oui. Mais taxi driver ça lui convenait mille fois mieux. C’était comme retourner dans une vieille et douce nostalgie à déambuler une main sur le volant et l’autre sur le minuteur. Les meilleurs clients étaient silencieux. La crème de la crème c’était ceux que Joey transportait de manière régulière et qui savaient ne pas trop parler. Juste les formalités. Pas qu’il n’aimait pas parler, mais à force, on dirait que tout le monde parle toujours des mêmes choses. L’extase totale.
Et puis son quotidien changea lorsqu’il commença à faire du transport « privé ». Bon, je sais ce que vous allez vous dire : le taxi, ça ne paye pas beaucoup et en plus ce n’est pas bon pour les lombaires à la longue. Excellent point, mais c’est que la demande en chauffeurs ne posant pas trop de questions semblait augmenter de manière astronomique. C’était avant 2030.
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L’arrivée du Service Delamain enfonça une bonne douzaine de grenades dans le ventre de l’industrie du taxi qui finit par imploser. Une vraie fin du monde 2.0 pour les chauffeurs affiliés. Tous firent faillite, tous se retrouvèrent sans emploi et Joey Moretti décida de prendre sa retraite au même moment. Même ses contrats de transport « privé » cessèrent complètement. Ça compliqua un peu les choses pendant un certain temps, un bon bout de temps même. On peut mesurer ce laps de temps en jours nécessaires pour vider complètement les comptes en banque et les épargnes en treizième vitesse sur l’autoroute de l’ennui.
Toutefois, lorsque la frénésie nouvelle du Delamain tomba pour laisser place à la routine blasée du genre humain. Il eut une résurgence de ce qu’on peut appeler « un léger intérêt pour le transport old-school » où l’on requérait, lors de certaines occasions particulières, les services de chauffeurs plutôt que ceux de la conduite assistée par IA. Le créneau se développa particulièrement dans les sphères du crime organisé et des instances hautes placées. Comme si le secret corporatif de l’IA mettait un doute sur les données géolocalisées de ses utilisateurs. La coïncidence était fulgurante : le taxi driver retraité reprit du service. Le seul hic était que les boulots ne semblaient pas tous super légaux et que ceux qui l’employaient lui tapaient royalement sur les nerfs avec leur pseudotendance à foutre le bordel au détriment des autres.
On fait tous de mauvais choix, mais quand une carte rouge se posa dans sa main, écrit « vous êtes solennellement convoqué, M. Joey Moretti, à servir la justice et rétablir l’ordre à travers le monde », il n’eut pas le choix. En plus des avantages et conditions de travail négligeables, ça payait plutôt bien. Pas mal de gens étaient acceptés dans les rangs des vigilante carmine. Juste à voir à quel point l’examen psychologique d’entrée était facile. Dans un élan désespéré et sans trop prendre au sérieux le processus, Joey y avait écrit un brin n’importe quoi.
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Un colis tomba sur le tapis de son appartement. À l’intérieur se trouvaient une lettre et un objet plus volumineux bien emballé. En dépliant la lettre, Joey marmonna son contenu la mâchoire serrée.
« À la lecture exclusive de M. Joey Moretti,
Il nous a été porté à notre attention que l’examen psychologique dûment complété ce 12 janvier 2032 ne correspond pas au profil d’évaluation de l’enquête préliminaire à votre sujet. Nos vérificateurs, auditeurs et inspecteurs ne peuvent confirmer le résultat de l’examen révélant que vous êtes à la fois inapte intellectuellement avec un stade avancé de sénilité.
Aux vues de votre potentiel initial, nous aimerions vous donner une seconde chance. Si vous considérez sérieusement votre application, nous aimerions vous rencontrer à l’adresse et l’heure indiquée ci-dessous pour une reprise de l’examen. Cette fois, sous la surveillance de l’un de nos vérificateurs.
Cordialement,
le New United »
Il s’empressa de déballer l’objet présent dans le colis.
« Motherfuckers… »
Un masque en carton brun kaki, picoté d’ellipses violettes et arborant des gravures de dauphins et d’abeilles se baignant sur des vagues parsemées de constellations.
« Maaaan, The fuckin’ test… »
Dernière édition par Joey Moretti le Ven 13 Jan - 20:28, édité 1 fois
Crime.net
Carte d'identité
Genre: Homme
Âge: 4500 ans
Origine: Babylone
Orientation sexuelle: Etrange
Nom de code: L'Admin
Spécialité / Métier: Admin
Compétences: Max
Accréditations: Toutes
Merci pour votre dossier d'inscription. Oh ? Il n'est pas tout à fait complet. Mais oh oh ! On est là pour vous aider ~
Demande du staff :
Règlement signé : Oui
La partie ID : RAS
Le caractère : RAS
Le physique : RAS
L'histoire : Alors, tout est nickel sauf la toute fin de l'histoire. Les Spetsnaz ne déconnent pas avec leurs tests psychologiques. Alors oui, certains profils étranges peuvent passer, mais ils sont surveillés et classés, et surtout ils ne passent que dès lors qu'ils peuvent servir les Spetsnaz d'une manière ou d'une autre. S'il a écrit n'importe quoi, il pourrait être accepté puisqu'il se sont renseignés sur lui et qu'ils ont vu que ce n'est pas un problème majeur, mais la première chose qu'ils auraient fait est de lui faire repasser le test de manière plus sérieuse.
Si vous avez une question concernant les demandes de modifications, vous pouvez les poster à la suite de ce message, par MP ou sur
Discord dans le channel #questions.
Dès que vous avez terminé les modifications, vous pouvez poster à la suite de ce message pour le signaler.
À très vite ~
Invité
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Merci pour la vérif' et je comprends tout à fait mon incohérence!
J'ai modifié la fin en ajoutant spécifiquement cela: une demande de reprise de l'examen suite aux premiers résultats, étant donné qu'ils considèrent déjà les renseignements sur Joey.
N'hésites pas s'il y a autre chose je modifierai sans chouchis
J'ai modifié la fin en ajoutant spécifiquement cela: une demande de reprise de l'examen suite aux premiers résultats, étant donné qu'ils considèrent déjà les renseignements sur Joey.
N'hésites pas s'il y a autre chose je modifierai sans chouchis
Crime.net
Carte d'identité
Genre: Homme
Âge: 4500 ans
Origine: Babylone
Orientation sexuelle: Etrange
Nom de code: L'Admin
Spécialité / Métier: Admin
Compétences: Max
Accréditations: Toutes
Vous pouvez poster une demande de RP > ICI <
Vous devez également recenser votre avatar sur Listing des avatars et votre anniversaire sur Listing des anniversaires.
Pour finir, dans votre profil, vous devez maintenant générer votre fiche de personnage et la remplir. Affiliation est à laisser vide, pour avoir une Affiliation il faut acheter une accréditation pour une faction. Pensez à mettre votre Dossier qui sera posté dans peu de temps dans Identity Crisis dans votre profil.
Amusez-vous bien ! ~